• Poème à la femme devant moi
     
     
    La femme devant moi
     
    La femme devant moi est en train de sourire,
    Il y a comme une sorte de primevère d'amertume
    au coin de sa lèvre
    et un petit frémissement,
    comme avant l'absence, comme avant les larmes.
     
    Son regard traverse la lettre posée sur la table,
    il cherche l'image des mots
    qui coule de l'encre noire aux détours incertains.
     
    Les mots se délitent pour laisser sourdre la fleur du sens.
     
    Son fils est là, enclavé dans l'image éphémère
    mais demain il sera là,
    attaché à sa main pour y laisser une empreinte de douceur
    et destituer le temps de la séparation.
     
    La femme devant moi est en train de sourire
    et je ne sais pas pourquoi.
     

    1 commentaire
  •  

     

    La ruta 40 et Bariloche

    La pampa

     

    La Ruta 40

     

    Le soleil est déjà haut
    et les hautes herbes s'ébrouent
    pour chasser les poussières de sécheresse,
    mais rien n'y fait, elles reviennent toujours avec leurs ridules édentées,
    alors les longs cheveux verts flottent et s'éventent en se froissant.
     
    La pampa est une immense pierre parsemée de feu follets
    bruissant sous le roulis du vent.
    Un village tous les trois cents kilomètres sur la ruta 40.
    Une seule route goudronnée, la ruta 40.
     
    Les maisons et les bâtisses de plein pied
    s'étalent pour combler l'angoisse du vide.
     
    Il n'y a pas d'imagination dans tout ça, on sent la lutte,
    la vie au jour le jour, mais la dignité et le respect.
     
    C'est tout juste si parfois une fresque explose
    la monotonie des alignements de rues et des "quadras",
    c'est tout juste si parfois des couleurs insensées
    brouillent les pensées toutes faites.
     
    Petit à petit la pampa dépose les armes.
    Un lac insouciant ose sortir d'un recoin austère.
    Des arbres alignés comme à la parade défient l'espace et la pierre.
    La terre enrochée se plisse et accepte l'altitude.
     
    Bariloche arrive
    Bariloche refuge des damnés de la terre
    Bariloche nous aspire dans ses relents de fête
    et de neiges fatiguées.

     

     
    La ruta 40 et Bariloche

    Arbres alignés comme à la parade...


    1 commentaire

  •  Cerro López

    Vers le Cerro López

     

    Cerro  Lopez

     

    Il est un peu tard et le vent en profite pour chahuter les nuages.
    Quelques gouttes d'eau troublent l'ordre moiré du lac
    qui vite se cache sous un voile de ronce de noyer.
     
    Le chemin est raide,
    chaque pas soulève des roses de poussière
    mais la bruine incendiaire de la cascade
    inonde l'air de ses doux postillons.
     
    Plus haut, c'est la neige qui s'invite à la fête,
    elle lutte fièrement contre le souffle brûlant et perfide du soleil,
    mais rien n'y fait, elle se racornit, se ramollit,
    se presse comme une éponge céleste pour faire bonne figure.
     
    Chaque pas est un piège vorace,
    chaque pas grimace et hésite.
     
    Le refuge López est posé là, au milieu de la pierraille en fleur,
    il est fermé et le Cerro López lance des bouffées de danger
    qui me font reculer et redescendre
    comme un guerrier honteux de sa peur amoureuse.

     

     

      

      

    Cerro López

      Cerro López le refuge

      Refuge du Cerro López                               Chaque pas est un piège vorace...

     

     


    2 commentaires
  • Prose du 1er novembre
    Le bus promène son nez
     
    Prose du 1er Novembre

     

    Je suis dans le bus qui m'emmène à El Calafate
    ou bien à El Chaltèn si jamais il s'y arrête.
     
    Devant moi un fil de goudron,
    raide comme un i majuscule s'accroche à la terre
    pour masquer son désarroi.
     
    Le bus évite les trous et promène son nez
    dans un paysage immense et désertique
    avec des milliards de sphères argentées ou jaunies par le soleil
    qui jouent aux herbes folles.
     
    Le ciel aussi semble un rideau immense et délavé
    où s'accrochent humblement des nuages,
    trop insignifiants pour être heureux.
      
     Prose du 1er novembre
     
    Et pendant ce temps là, je pense à la petite Taous,
    couleur d'Alger, qui remue la terre noire et lourde et riche
    et belle de tant d'amour.
     
    Demain est encore trop loin et la gendarmerie n'y peut rien,
    elle essaie pourtant de tuer la crasse du temps
    en contrôlant et chipotant.
     
    Deux jeunes filles blêmes et la cigarette agressive,
    tentent d'expliquer leur fragilité,
    elles n'ont pas compris, c'est un jeu cruel
    et le sourire du gendarme ressemble plus à une fleur vénéneuse
    et odorante qu'à une fin de partie.
      
    Prose du 1er novembre  
      
    Et pendant ce temps là, la petite Taous dévide l'eau claire
    dans la coulée de rocaille qui chuchote de plaisir.
     
    Sur le bord de la route un mouton indigent défie le vide
    à grands coups d'incisives.
     
    Le bus hésite devant chaque trou.
    De temps en temps un véhicule nous croise,
    honteux et la peur au ventre devant l'espace dévorant.
     
    Et pendant ce temps là, la petite Taous alerte ses poissons
    sur l'hiver tout proche qui s'énerve déjà à la porte de la nuit.
      
     Prose du 1er novembre
     
    La route est devenue une piste couleur de rien.
    Des nuages de poussières glissent entre les roues,
    s'emmitouflent dans les gaz d'échappement
    pour mimer un grotesque tango.
     
    Demain est encore loin et la petite Taous pense à son mariage
    et à la flamboyance de sa vie
    où s'empile un présent doux et chaud
    comme le sommeil du nourrisson sur l'épaule de sa mère.
     
    Voilà 9 heures que le bus s'essouffle à écarter le vide
    et les 20 heures qui restent luttent
    pour émousser sa pauvre bravoure.
     
    Sur le bord de la piste,
    deux cadavres de voitures cabossées, écrasées, taguées,
    nous rappellent l'incertitude de l'heure de la rouille.
     
    J'ai faim, la petite Taous le sait mais s'en moque.
    Pourtant, plus tard elle va préparer pour deux et pour rien,
    dans la solitude des séries insipides et criardes.
     
    L'asphalte a repris ses droits, encadrée par des tas de pierres
    qui surveillent comme de noires sentinelles, la fuite du temps.
     
    Et pendant ce temps là, la petite Taous de France
    s'arrête un instant devant le rosé sucré du ciel
    qui déverse ses odeurs de soupe au potiron
    et la manne indécise des musiques furtives.
      
      
     Prose du 1er novembre
     
    La plaine se vallonne autour d'un lac désolé et timide.
    Il voudrait bien s'enfuir.
    Dans l'espace devenu d'un bleu marécageux,
    un cartonero pousse une sorte de caddy avec un rétroviseur,  
    comme une insulte au vide.
      
    Prose du 1er novembre
     
    Voilà 9 heures que le bus tangue et fait des courbettes
    pour passer inaperçu comme un vieux collabo qui refuse sa perte,
    mais la désolation et l'espace
    nourrissent le creux persistant de mon amour
    pour la petite Taous de France que le ciel a enfin laissé tranquille. 
     

    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique