•  
     
    Calle Humberto Primero
     
    Calle Humberto Primero
     
     
    En haut la plaza Dorego berce les touristes en uniforme
    avec le ronronnement des taxis qui flottent sur les pavés
    et les danseurs de tango qui s'exilent
    dans le mélange des corps pour ne pas les voir.
     
    La rigueur bonhomme des façades haussmanniennes
    toise de haut les tristes bâtisses néocoloniales
    aux terrasses fatiguées.
     
     Calle Humberto Primero
     
    Plus bas les trottoirs deviennent vivants, ondulent,
    se creusent, éclatent parfois dans un chaos de pavés,
    de trous accueillants et de dalles brisées.
     
    Les façades se murent et se cachent
    sous des tags agressifs ou de lumineuses pensées
    portées par des fresques naïves et colorées
    comme de vieilles réclames.
     
    Dans la rue, un jeune homme tangue doucement
    Il a deux béquilles en bois sous les bras.
     
    L'air est couleur sépia,
    Je suis dans une vieille carte postale.
     
    Petit à petit, il n'y a plus rien,
    plus de boutiques cachées dans des couloirs borgnes,
    plus de babioles dépressives sur le tapis des vendeurs de rue,
    plus de portes ouvertes ou fermées, plus de chiens,
    plus de taxis qui feulent, plus de déjections de chiens,
    plus de chiens,
    plus rien.
            
     
     
     

    votre commentaire
  •   
     

            Poème à l'autre ville

      

     

    Buenos Aires est encore toute enchiffonnée
    par les sanglots amoureux des milongas et des fêtes païennes.

    Des lambeaux de sommeil tentent encore de s'accrocher
    aux portières des taxis jaune-orangés et noirs,
    à la recherche d'une proie.
    Les bus, guidés par leur instinct, avancent en rangs serrés
    comme des chenilles processionnaires.

    Face aux échoppes qui agitent l'accroche-cœur de leurs prix,
    la rouille des rideaux de fer semblent protéger
    les immeubles parisiens de toute forme de peur.

    Les tags insipides sont à la peine pour les dérider,
    mais parfois une enluminure dégrafe un sourire
    comme un souffle de myrte et de safran.

    Les trottoirs s'ébrouent et laissent échapper
    des dalles brisées et des carreaux usés,
    et pendant ce temps là,
    les rues essaient vainement d'être lisses.

    Buenos Aires n'en finit pas de faire sa mue
    Elle laisse partout une peau séchée, noire et morte
    Dans le coulissement de la vie

     

     Poème à l'autre ville


    votre commentaire
  •  

    La feria

     

     

    La calle de la Defensa entrelace des vagues humaines criardes

    avec des senteurs écœurantes de fœtus de lama séchés.
    C'est La Paz qui s'invite à la fête.

         

    Buenos Aires le 13 octobre 2013

      

    Un joueur de guitare chante Gardel

    aux jeunes filles hébétées et heureuses.

    Il est petit mais porte haut sa guitare

    et son amoureuse voix rauque.

    Les photos sur le mur parlent de sa gloire passée

    et de sa jeunesse trop tôt flétrie.

     

     Buenos Aires Pirates des Caraïbes

    De l'autre côté de la rue,

    un "pirate des Caraïbes" pause pour la postérité immédiate

    des flâneurs incertains

    tandis qu'une épouvantable bourrasque étire un unique passant.

      

    Buenos Aires l'homme pressé  

       

    Plus loin, vers la foule ingrate

    et la tristesse qui éclate comme un bouquet d'obsidiennes,

    un marionnettiste agite sa créature

    qui navigue dans un délire éthylique.

    Deux magiciens tentent de vendre la même boite à merveilles.

    Les toucher ne sert à rien,

    le tour est toujours réussi

    et soutire des grappes incrédules de petits cris.

     

    Buenos Aires le marrionnettiste 

    Et partout, partout, le tango à la guitare,

    le tango, à l'accordéon,

    le tango des microsillons grinçants et des vieux danseurs,

    le tango des babioles et des photos jaunies,

    le tango qui flotte comme le sourire d'un badaud endimanché.

    Buenos Aires le joueur de bandoléon


    votre commentaire
  •   

    La R12 

      

    Elle a les yeux tirés, jaunis par l'asphalte bleutée
    et la poussière des chemins défoncés.
     
    Sa peau se fissure et se craquelle sous la cuisson du soleil
    et la rouille se fait un lit douillet,
    orangé et sensible
    comme une fleur aux délices mortels.
     
    Sa voix est rauque et chaude
    avec des éclats d'incertitude
    et une toux de bombarde.
     
    Son vieux corps cliquette et cogne,
    on sent la fin qui s'insinue
    dans les bielles rougies par l'effort,
    ses joues vibrent
    et cherchent une dignité crépusculaire
    qui ne trompe personne.
     
    Parfois, à l'entrée de Sierra Ventana,
    Carlos l'emmène parader,
    alors elle bombe le torse
    et plisse ses yeux de poulpe
    pour retenir ses crachats incestueux.
     
    On la regarde oui,
    mais chacun mesure en la voyant passer,
    la profondeur de ses propres rides
    qui s'appliquent à écrire la date
    au tableau noir des gerçures du temps.
     
    Ici elle est une personne
    que l'on câline comme une trop vieille
    lui tricote des verbiages délétères,
    mais qui s'accroche à la vie
    comme un noyé magnifique.

     

     

    La R12


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique